Les piques de l’ami Randol (61-70)

61. On a le droit de rêver

Mon pire cauchemar, en tant qu’auteur, c’est de finir en tête de gondole à la FNAC. Mon plus beau rêve, c’est de finir au goulag, comme Soljenitsyne.

62. Un calembour éméché

On ne dit pas : Jemappes ou Havré ; on doit dire : Jemesuippes ou Havré.

63. L’orgueil

C’était au Centre de Formation biblique, à Bièvres, où j’ai étudié deux ans et demi. Un de nos camarades venait d’une église de Normandie et aurait aimé que les étudiants soient invités dans sa congrégation. Il en parla à son pasteur qui s’arrangea avec notre directeur, monsieur Kenneth Ware, lequel avait activement participé à la traduction de la Bible dite « à la Colombe ».

Nous fûmes donc conviés à animer un week-end dans cette assemblée. Cet événement se planifie selon le protocole habituel : jeunesse le samedi soir, culte le dimanche matin, évangélisation le dimanche après-midi, et nous nous organisions entre nous pour nous répartir les présidences et les prédications. C’est moi qui étais de présidence pour la dernière réunion.

Quelques jours ont passé, le jeune frère en question m’aborde :

« Tu as fait une sacrée boulette dans mon église ! Ils ne sont pas près de t’inviter ! »

Si j’avais mérité un reproche, c’était à M. Ware de m’en parler. Poursuivons.

« Ils ne m’inviteront plus ? C’est dommage, j’avais repéré une blonde dans le groupe de jeunes. Qu’est-ce que j’ai fait de si grave ?

– Tu n’as pas salué le pasteur.

– Comment ça, je n’ai pas salué le pasteur ? Je suis allé lui serrer la main, j’ai discuté avec sa femme.

– Ça ne compte pas. Tu ne l’as pas salué officiellement »

En effet, j’ai conclu le rassemblement par une formule du genre : « Je remercie l’assemblée de D* de nous avoir invité, et patati et patata… » Il aurait fallu ajouter : « Et particulièrement Sa Sainteté M. le pasteur D*. »

L’orgueil !

64. Ô America

La culture américaine est à la culture ce que la gastronomie américaine est à la gastronomie, et inversement. Parlez à un Américain de Bocuse, de Troisgros, ou de la Tour d’Argent, il vous répond à tous les coups :

« Oui, mais nous, nous avons Burger King. »

Or un jour, un Américain me disait le plus sérieusement du monde :

« Tu sais, André, nous aussi, aux États-Unis, nous avons nos spécialités gastronomiques. Par exemple, nous avons le Kentucky Fried Chicken. C’est délicious. »

C’est la première fois que j’en entendais parler et je me suis dit qu’il avait certainement raison, jusqu’au jour où j’ai compris la signification des initiales KFC.

65. Génération

Un jour, mon collègue Ahmed vient me trouver :

« Dis donc ? Qu’est-ce que ça veut dire : absence de fait générateur ?

– Je ne sais pas. Il faudrait voir le contexte. »

Il me montre alors une lettre reçue des services sociaux : il avait adressé une demande d’aide pécuniaire et celle-ci lui a été refusée pour absence de fait générateur.

Un collègue, guère plus malin que lui vient à passer, il lit la lettre et conclut :

« Ben… ça veut dire que tu as été trop souvent absent, et de fait, ça a généré, quoi. »

66. L’alcool tue

L’alcool, c’est la mort lente.

La drogue, c’est la mort fine.

Le serpent, c’est la mort sûre.

67. Boule de vent

Il se prend plus ou moins pour Jupiter. Jupiter, c’est un dieu, mais c’est aussi une planète, une planète bien particulière puisqu’elle est formée de gaz. Autrement dit : ce n’est que du vent.

On en dira ce qu’on voudra, c’est un saint, notre petite boule de vent. Il applique les paroles du Christ : « À celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. »

68. Vous avez dit « ramuchon »

C’est une chanson que chantait ma grand-mère et que ma mère m’avait apprise :

Y avot eun fos
Din min gardin
Tré tchots garchons qui pécototent des ramuchons.
I savotent bin qu’i pouvotent point.
I pécototent toudi n’s’en faisotent point.

Fier d’être le seul de ma classe à connaître une chanson en chti, je suis allé la chanter à tout le monde.

Mal m’en a pris, car aux récréations, toutes les filles de l’école me couraient après en me criant :

« Ramuchon ! Ramuchon ! Ramuchon ! »

69. Baudelaire

Quelqu’un avait dit à Charles Baudelaire que s’il voulait devenir riche et célèbre, il fallait qu’il se fasse imprimer en Belgique. Il a donc déménagé à Bruxelles et s’est fait imprimer. Malheureusement pour lui, après avoir été imprimé en Belgique, il n’était ni plus riche ni plus célèbre qu’avant. Ça l’a vexé à mort.

Il s’est vengé en écrivant contre la Belgique et ses ressortissants des choses abominables, entre autres, que les femmes belges sont toutes moches et qu’elles sentent mauvais. J’ai suffisamment d’amis belges pour infirmer ces médisances.

Faut-il, dès lors, s’étonner qu’à Bruxelles, il y ait une rue Tryphon Tournesol, mais pas de rue Charles Baudelaire ?

70. À un plagiaire

Cher frère,

Je fais partie de vos amis faicebouque depuis un certain temps, ce qui m’a permis d’apprécier votre ministère, et je continue à vous encourager dans ce sens, comprenant qu’il est de plus en plus difficile de pratiquer l’évangélisation en plein air. D’autre part, j’ai cru comprendre que vous teniez des positions doctrinales équilibrées, ce qui est tout à votre honneur. J’ai fait de l’évangélisation en plein air quand j’étais jeune. Maintenant que j’ai de la gaine de vélo autour du cœur, une jambe qui traîne, un œil qui a la taille d’un petit pois, je préfère opter pour une activité plus calme. Écrire des poésies, des contes et des nouvelles, entre autres, est le moyen d’exprimer ma foi qui me convient le mieux.

Or, je suis à la fois heureux, indigné et inquiet du fait que vous vous êtes approprié un texte, si court soit-il, copié-collé sur mon site www.lilianof.fr.

Heureux parce qu’on ne plagie pas les mauvais auteurs.

Indigné parce que je juge malhonnête cette façon de procéder.

Inquiet parce qu’il m’a fallu dix ans pour écrire un roman en sept volumes, si je le trouvais un jour en tête de gondole à la FNAC et si c’est monsieur G. qui en percevait les droits d’auteur, ça me contrarierait tout de même un petit peu.

À l’heure où je vous écris, votre article compte déjà plus de 80 pouces, dont le mien, c’est la moindre des choses, 23 partages et une bonne flopée de commentaires laudatifs, sauf le mien, il ne faut pas exagérer non plus. Cette constatation m’amène à m’interroger sur ma vocation. Je devrais peut-être me reconvertir en nègre littéraire (pardon, en prête-plume, ça pourrait froisser la société bien-pensante).

Ce désagrément m’est déjà arrivé, mais le dernier qui m’a copié s’en est excusé.

Aussi, pour préserver notre amitié, je me permets de vous suggérer d’ajouter à votre article un petit mot d’explication, de citer vos sources, et mieux encore, placer un lien sur www.lilianof.fr

Je vous salue fraternellement en Christ.

André, alias Lilianof

Ce courriel a reçu une réponse de jésuite que je juge inutile de partager.

https://lilianof.com
https://www.thebookedition.com/fr/765_lilianof
https://plumeschretiennes.com/author/lilianof
https://vk.com/lilianof

© 2021 Lilianof

 

Publié par Lilianof

J’avais quatorze ans lorsque m’est venu le désir de devenir écrivain. Mais après l’adolescence, j’ai décidé de ne plus écrire. Ce n’est qu’après trente ans de silence que m’est venue l’idée d’une très courte comédie : « Un drôle d’héritage ». C’était reparti ! Après avoir été facteur dans l’Eure-et-Loir, je suis installé, depuis 2013, à Vieux-Condé, où je retrouve mes racines, étant petit-fils de mineur. La Bible et Molière sont mes livres de chevet.

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